Le "Projet de Loi Relatif au Renseignement" en discussion en France a un air de famille avec le "Patriot Act" américain en vue de sévir contre les terroristes et autres criminels. Il s'impose avec le même consensus général et ne semble guère avoir beaucoup d'opposition au Parlement. Le but affiché est de donner aux agences d'espionnage plus de latitude dans le suivi des malfaiteurs présumés, afin de donner aux citoyens ordinaires les avantages d'une nation plus sûre. Cependant, les citoyens sont globalement moins convaincu. Une pétition contre le projet de loi a déjà dépassé les 100 000 signatures et de plus en plus de voix s'élève pour signifier les dangers potentiels d'une tel texte de loi. Certains comparent la situation aux États-Unis et les attentats de 2001, où les évènements ont incité la création de vastes pouvoirs pour la NSA et d'autres agences d'espionnage avec le consentement général. Depuis les révélations de Snowden et autres lanceurs d'alerte, le doute du bien fondé de ces lois s'est largement répandu. Pourtant la France succombe aux mêmes travers...

Pourquoi le "Projet de Loi Relatif au Renseignement" sera adopté les doigts dans le nez ?

Pourquoi si peu de débat, si peu de contradictions pour une loi aussi importante ?
Il y a visiblement empressement, et cela se comprend aisément. Ce genre de choses n'arrivent pas par hasard. Il faut bien sûr profiter des derniers lambeaux d'émotions suscités par la boucherie de Charlie Hebdo et les attaques de Hyper Cacher. De plus, le premier ministre Manuel Valls bénéficie actuellement d'une popularité redorée parmi les citoyens Français, ce qui rend plus facile à défendre cette loi sans le provoquer à l'indignation massive, sauf à attendre de retrouver sa popularité réelle. Ce qui est d'ailleurs intéressant, c'est que le projet de loi a été effectivement déposé avant que les récents attentats terroristes ne se produisent. C'est seulement maintenant, que la loi devient urgente avec de la menace d'autres actions de français musulmans fanatisés.

Cette loi va passer comme une lettre à  La Poste, le sourire de la factrice en moins. Le 15 avril 2015, l’Assemblée nationale a adopté les différentes mesures présentes dans ce projet de loi, avec 25 voix pour et 5 voix contre. Je rappelle que l'Assemblée nationale compte 577 députés. Bien sûr, François Hollande a annoncé que pour répondre aux inquiétudes formulées il saisira lui-même le Conseil constitutionnel sur le texte de loi. Mais à part quelques ajustements de forme, il ne faut pas s'attendre au rejet du texte.

La cyber-surveillance d'état

Selon Human Rights Watch une organisation non gouvernementale internationale, il y a un certain nombre de dispositions inquiétantes dans le projet de loi. Tout d'abord on note l'absence de tout contrôle judiciaire. Les présumés criminels pourraient être surveillés et exploités sans mandat et sans autorisation d'un juge. De plus, les fournisseurs d'accès Internet serait tenu de permettre la surveillance de tout le trafic réseau, dont les données seraient analysées pour traquer les comportements suspects des internautes.

Le projet de loi assure un droit général à la vie privée, mais précise un intérêt public qui justifierait la violation de cette confidentialité. Cela inclus des domaines aux formulations extrêmement vagues tels que :

La sécurité nationale.
Les intérêts essentiels de la politique étrangère et l’exécution des engagements européens et internationaux de la France.
Les intérêts économiques et scientifiques essentiels de la France.
La prévention du terrorisme.
La prévention de la reconstitution ou du maintien de groupement dissous en application de l’article L. 212-1.
La prévention de la criminalité et de la délinquance organisées.
La prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique.

Ce genre de formulations extrêmement larges de cet intérêt public autorisant des techniques exceptionnelles de surveillance fait peser de graves risques d'arbitraire, notamment en matière de surveillance des mouvements sociaux. Pour sa part, le premier ministre Valls la sécurité l'emporte sur la liberté et les citoyens Français devraient être disposés à renoncer à une partie de cette dernière pour améliorer l'autre.

Impact sur les sociétés Internet

Tout comme les citoyens, des entreprises privées sont également dénoncé le nouveau projet de loi. Le fournisseur de services Internet OVH, hébergeur du numéro un de l'Europe, a prévenu que si la nouvelle loi passait, ils délocaliseront les serveurs hors de France pour éviter la surveillance et déclaration des obligations liées à la législation des Valls. Il s'agit avec les services d'hébergement d'un secteur en plein développement, qui ironiquement avait d'ailleurs largement profité de la méfiance lié à la cyber-surveillance américaine.

S'adapter ?

Heureusement, les citoyens Français et partout dans le monde surfant sur les sites Web hébergés en France ne sont pas totalement impuissants. Même si le gouvernement choisit d'adopter cette législation largement inspirée du Patriot Act, les plus puissants algorithmes ne peuvent pas surveiller ce qu'ils ne peuvent pas voir. Cela signifie que le pays devrait se préparer pour une explosion dans l'utilisation de services VPN. Une large partie des citoyens vont ainsi en retour prendre leur droit à la vie privée dans leurs propres mains.


>> Empêcher la cyber-surveillance en France ?

La même chose s'est passé aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie et autres pays à travers le monde que ce genre de législation a provoqué. Les pays où la population utilisent le plus le VPN sont les pays où Internet est le plus surveillé : la Chine, l'Iran, la Turquie. La France va rejoindre le club.
La France, les pays des doigts de l'homme et du blabla...